Au cours de la première journée, une participante a déclaré : ’les communs sont partout dans de nombreux domaines de la vie quotidienne !’ Il existe en effet toutes sortes de ressources partagées : des communs naturels, des communs de la connaissance, des communs numériques, des communs du bien-être et de la santé….
Pour visibiliser ces communs, des activistes mènent régulièrement un travail de recensement des communs sous la forme de cartographie ou d'atlas. On retrouve ainsi une multitude de plateformes où les communs sont recencés (la P2P Foundation, Remix The Commons, Plateformed...)
Faire connaître cette diversité des communs était clairement l'un des objectifs du Commonscamp même si les participants ont privilégié des échanges autour des communs urbains et des communs numériques.
Les communs urbains
Qu’est ce qu’un commun urbain ? Comment s’institue-il ? Pour répondre à ces questions, nous sommes partis des expériences menées par les participants à Naples, Bruxelles, Marseille ou Grenoble. Il n'est pas possible ici de restituer tous les échanges, c'est pourquoi nous allons nous concentrer sur l'exemple de Naples (d'autres expériences sont présentées dans les rubriques ressources).
La notion de communs urbains est de plus en plus utilisée pour décrire des pratiques d’action collective dans les villes qui peuvent prendre la forme de jardins partagés, d'espaces publics, de bâtiments occupés, de bibliothèques, de logements ou de services urbains (eau, énergie, déchets...).
Un commun urbain est une ressource partagée en ville qui est géré et préservé par une communauté habitant à proximité ou utilisant ces ressources. La particularité de ces communs est liée à la densité des inter-relations au sein du milieu urbain, la diversité des communautés qui partagent des ressources et la complexité des infrastructures qui nécessitent de nouvelles formes de gouvernance.
Naples : une expérience emblématique
L'expérience des communs urbains à Naples est fondatrice à plus d'un titre. Tout a commencé par la reconnaissance de l’eau comme bien commun.
En juin 2011, un référendum national est organisé sur la question de la privatisation du service hydrique : 27 millions de citoyens italiens se sont alors prononcés pour que l’eau soit reconnue comme un bien commun et que la gestion publique du service de l’eau échappe au secteur privé et aux logiques du marché. Naples est la première ville italienne à appliquer la volonté des électeurs qui ont participé au référendum. La municipalité a créé un poste d’adjoint dédiée à l’eau publique et aux biens communs. (Alberto Lucarelli a été nommé à ce poste). Après une large consultation, le Conseil Municipal a approuvé que la société gestionnaire de la distribution de l’eau (ARIN) soit transformée en Entreprise Spéciale de Droit Public (EPIC) sous le nom « Acqua Bene Comune Napoli ».
Parallèlement, le 2 mars 2012, un collectif de travailleurs culturels ont entamé l’occupation d’un immense bâtiment au coeur du centre historique de Naples. L'histoire de cette occupation a permis d'étendre la notion de bien commun à d’autres champs de l’action municipale.
Le complexe de San Gregorio Armeno était un bâtiment abandonné qui a été occupé par un groupe de professionnels de l’animation et de la culture. Ce batiment rebaptisé « Ex Asilo Filangieri » a été reconnu par le Conseil municipal de Naples comme un bien commun géré par une communauté ouverte. Il a été considéré comme un lieu d’expérimentation d’une démocratie participative dans le domaine de la culture. Plus récemment, en juillet 2016, la ville de Naples a attribué le statut de biens communs à sept autres lieux emblématiques. Il s'agit de propriétés publiques abandonnées qui ont fait l’objet d’occupations prolongées. En conséquence, les communautés qui occupaient illégalement ces lieux sont désormais reconnues co-gestionnaires avec la municipalité. ».
Cette expérience a été racontée par une émission de France-Inter intitulée ’Balade dans le Naples autogéré’.
L'avenir des communs urbains
A la suite des présentations d’expériences, un débat s’est ouvert sur les communs urbains. Les participants ont constaté que les collectifs cherchent des modalités pour mettre en commun des lieux dans la ville, à travers des assemblées civiques, la création de collectifs, l’occupation de bâtiments ou d’espaces publics.
Les collectifs essayent de faire émerger de nouvelles règles pour gérer les communs et demandent qu'elles soient prises en compte par les municipalités. L'un des objectifs est de changer le droit pour permettre une meilleure reconnaissance de l'action des citoyens. Cette action juridique apparait comme une stratégie du mouvement des communs.
Toutefois, il a été remarqué que l'on assiste à des tentatives de récupération du mouvement des ’communs urbains’'. Les expériences d'urbanisme temporaire posent par exemple un certain nombre de question. Dans le cas des bâtiments occupés, comment éviter que les collectifs deviennent des simples gestionnaires de la vacance des immeubles générée par le fonctionnement du capitalisme urbain ?
Pour éviter ce type de récupération des ’communs urbains’, les participants ont insisté sur les pratiques d’autogouvernement et de démocratie directe. C'est peut-être à ce niveau là que la convergence avec les mouvements du Droit à la Ville prend tout son sens : au-delà des expériences localisées, il s'agit d'agir sur la planification urbaine et les projets urbains.
Les communs numériques
Les communs numériques sont des ressources digitales produites et gérées par une communauté. Comme tous les communs de la connaissance, ils ont la particularité d’être non-rivaux, c’est à dire que leur utilisation par les uns ne doit pas être restrictive pour les autres. Les communs numériques ont beaucoup été discutés pendant le Commonscamp avec plusieurs ateliers dont un événement intitulé « Meetup Carto » et un atelier de ’synergie numérique’.
Un Meetup Carto est un espace d’échange où des porteurs de projets peuvent présenter à une communauté de cartographes leurs idées, leurs solutions ou leurs besoins. L’objectif de ce meetup carto était de présenter plusieurs projets (le réseau social communecter, la carto en réseau, la Holachain, Geosse et une monnaie libre intitulée Duniter...) pour travailler sur l’interopérabilité des différentes plateformes.
Les expérience de Communecter et Transiscope sont particulièrement éclairantes. Le premier est un réseau social local, libre et citoyen qui vise à créer un territoire connecté d’acteurs et d’activités locales au niveau de la commune. Quant au Transiscope, il s’agit d’ un projet pour relier les acteurs et alternatives afin d'opérer simplement la transition sur son territoire. Il est le fruit d’un travail de coopération entre une dizaine d’organisations qui ont réuni leurs données en open data.
Dans les deux cas, la dimension politique des projets est clairement affirmée puisque ces communs numériques visent à faciliter les initiatives qui constituent des réponses concrètes à la crise systémique.