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Quand l’agriculture paysanne se confronte à l’industrie

Agriculture industrielle : produire à mort (c)
Disparition des paysans - Rap
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Disparition des paysans - Rap

Le monde de l'agriculture est touché par une surmortalité due à un nombre de suicides plus important qu'ailleurs. Pourtant, les femmes et les hommes qui s'engagent dans cette voie sont souvent animés d'une vive passion, pour la terre, pour une alimentation plus saine et respectueuse de l'environnement, pour des valeurs qui habitent leur corps et leur esprit. La domination de l’industrie agro-alimentaire les confronte néanmoins à de nombreuses désillusions.

 

Lundi matin, 6h 30, Vercors

« 1 à 2 agriculteurs se suicident chaque jour, il est temps de tirer la sonnette d'alarme »

C’est avec cette phrase assénée à la matinale de France Inter que Camille se réveille. Elle ouvre les yeux, et s’étire. Ses muscles, froids, sont tendus, son dos douloureux. Elle sort de son lit. Après un rapide petit déjeuner, elle prend sa voiture pour se rendre sur sa ferme. Elle doit ouvrir sa serre avant qu'il ne fasse trop chaud. Les chiffres lui reviennent en boucle. Deux suicides par jour. 2% de paysan-ne-s en France en 2019 alors qu'ils représentaient la moitié de la population il y a un siècle.

Mais qui veut la mort des paysans ?

Et elle se rappelle. Camille était infirmière dans un centre de santé social. Elle soignait les corps malades, fatigués par le travail. Elle l'aimait son travail. Mais la hiérarchie, le manque de moyens, les normes, les documents administratifs lui faisaient perdre tout le sens qu'elle pouvait lui donner. Infirmière mais non gestionnaire ! Un jour elle a démissionné.

Depuis plusieurs années, elle avait un petit potager. L'agriculture lui est apparue comme une évidence. Travailler dehors, sortir du salariat, être indépendante, trouver une cohérence entre ses idées et ses actes. Sa ferme devient son utopie, lieu fantasmé de tous les possibles et lieu du politique : viser l'autonomie, diversifier les cultures, respecter la nature, être une paysanne engagée, produire des légumes sains et de qualité.

Elle n'est pas issue du monde paysan. Le chemin est long. Il faut acquérir des savoir-faire, observer, imiter et se réapproprier les gestes, ceux que les enfants de paysan-ne-s ont incorporé depuis l’enfance. Les plaisirs sont nombreux : la sensation de la terre dans ses mains, le contact avec une nature sublime, la satisfaction de récolter ce qui a été semé quelques mois plus tôt, le soutien et la solidarité de paysan-ne-s installé-e-s. Les désillusions sont multiples. Le plus dur c’est de trouver des terres pour s'installer. Son impatience attise un constat amer : les politiques agricoles ne favorisent pas l'installation de nouveaux paysan-ne-s mais la concentration, l'agrandissement et l'hyper-spécialisation des exploitations. Camille préfère parler de ferme, refuse d'être de celles et ceux qui exploitent.

Elle finit par l'avoir sa ferme à force de convictions et de concessions. Il lui faut apprendre le pragmatisme et gérer ses frustrations. Elle achète quelques machines pour soulager son corps, elle accepte de ne pas avoir le temps de faire ses semences elle-même. Elle tolère désormais l'imperfection, l'imputant davantage à des politiques qu'à ses errements individuels. Elle accepte l'ironie du sort, après avoir pris soin des corps et donner du sien pour nourrir les autres, Camille n'a pas d'assurance maladie.

Son corps s'est affermit et son mental aussi. Ses bras, son ventre, ses mains, ses jambes se sont endurcis et ses gestes lui semblent plus précis. Elle se met en mouvement au rythme du soleil. Jusqu’à la nuit elle donne de son énergie. Elle aime la fatigue salvatrice de la fin de journée. Ses muscles se relâchent, elle lave ses mains que la terre ne quitte jamais définitivement et apprécie ce sentiment d’avoir tout donné.

Elle aime son métier et ne pense plus pouvoir en changer.

Dans sa voiture, Camille réfléchit et ses pensées sont envahies par la même rengaine :

« 2 suicides par jour, 2% de paysans, 1/3 d'agriculteurs touchant moins de 300 euros par mois, des politiques publiques favorisant l'agrandissement, la mécanisation, la déshumanisation du travail. Le corps dédié à la production, 6 jours par semaines, 9 heures par jours »

(Pourquoi tant de mépris ?)

 

Salomé - Volontaire au sein du réseau des Associations pour le Développement de l'Emploi Agricole et Rural (ADEAR)

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