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Réfugié ou migrant, une distinction risquée

Evolution des éloignements forcés en France

Même s’ils peinent encore - voire rechignent - à remplir leurs engagements, de nombreux Etats, comme la France, considèrent qu’il est de leur devoir d’accueillir celles et ceux qui fuient les guerres et les persécutions. Les migrants dits économiques n’ont, eux, pas droit de cité. Cette distinction est-elle pertinente ? Ne risque-t-elle pas plutôt de mettre à mal les procédures d’asile ?

Objectif : toujours plus d'expulsions

Dans le grand entretien qu’il accordait au Journal du dimanche, le 5 août 2017, Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur, défendait avec fermeté la politique d’immigration du gouvernement français, distinguant ceux qui fuient guerres et persécutions, les réfugiés, et ceux dont la migration obéit à d'autres ressorts, notamment économiques. La raison invoquée ?

Les enquêtes d'opinion montrent une réticence de plus en plus grande [à l’encontre des centres d’accueil pour migrants]. Si l'on ne fait pas la distinction entre le droit d'asile et les autres motifs de migration, ce sera le droit d'asile qui sera remis en question.

En s’opposant à l’arrivée sur le territoire français de migrants, en expulsant ceux qui sont parvenus à y entrer, il s’agirait donc de garantir la pérennité du statut de réfugiés.

En 2016, la France enregistrait 12961 retours forcés effectifs pour 91000 interpellations d’étrangers en situation irrégulière.

« Nous reconduisons trop peu à la frontière », martèle Emmanuel Macron, ayant en tête le nombre d’expulsions de l’Allemagne : 12545 personnes sur les six premiers mois de 2017.

L’objectif est clair, la consigne est passée !

Karen Akoka - La construction du réfugié (c)

Le règne de l'arbitraire

Les Etats européens entretiennent la distinction entre les réfugiés et les migrants (entendus comme les migrants économiques). En droit international, « réfugié » est le statut d’une personne qui a obtenu l’asile d’un Etat tiers, parce que dans son propre pays, elle craint « d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » (Convention de Genève relative au statut des réfugiés).

Et un migrant ? « [Le terme] n’a pas de signification juridique particulière », rappelle Anicet Le Pors, ancien membre du Haut conseil à l’intégration. Dans le préambule de son rapport « Le recrutement des travailleurs immigrés : France 2017 », l’OCDE s’est inquiétée de la « confusion dans l’opinion publique » que risque de susciter le raccourci « fallacieux » qui consiste à opposer migrants économiques et réfugiés.

Mais surtout, comme le démontre Karen Akoka, maître de conférences en sciences politiques à l’université Paris Ouest Nanterre, sociologue spécialiste des questions d'asile, le statut de réfugié est une construction politique qui charrie son lot d’arbitraire.

Quand les politiques fabriquent de l'illégalité

Dans son premier sur l’immigration, le 27 juillet 2017, à Orléans, Emmanuel Macron déclarait :

L’ensemble de ce qu’on appelle affreusement les migrants aujourd’hui, ce ne sont pas tous des femmes et des hommes qui demandent l’asile, et qui viennent d’un pays où leur vie est menacée, il y en a beaucoup, et de plus en plus, qui viennent de pays sûrs, qui suivent les routes de migrations économiques, qui nourrissent les passeurs, le grand banditisme, parfois le terrorisme, et là, nous devons être rigoureux, et parfois intraitables.

Le temps d’un discours, les migrants passent du statut de victimes au statut de criminels « qui nourrissent les passeurs, le grand banditisme, parfois le terrorisme ». Pas sûr que de tels amalgames viennent calmer les réticences évoquées par Gérard Collomb et renforcer le droit d’asile.

Sans compter qu’en restreignant toujours davantage les voies légales d’immigration, le gouvernement français fait de l’asile dû aux réfugiés le seul recours possible pour les migrants. Une question lancinante se pose alors. Ne risque-t-il pas ainsi d'accentuer la pression sur cette procédure et de la rendre totalement inefficace ?

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