En pleine crise économique, l’Union européenne et ses Etats membres expliquent qu’ils n’ont pas les moyens d’accueillir les migrants et réfugiés. La politique mise en œuvre pour les renvoyer chez eux est pourtant très coûteuse et son efficacité douteuse.
Un budget en hausse constante
Le 30 novembre 2017, le Conseil et le Parlement européen ont adopté le budget 2018 de l'UE. Il s'élève à 160,1 milliards d'euros, dont près de 6 milliards « pour faire face à la pression migratoire et rendre plus sûre la vie des citoyens européens ».
Ces fonds, en hausse constante chaque année, doivent servir à soutenir l’accueil des réfugiés (création de centres d'accueil, intégration des personnes ayant obtenu le droit de séjour, etc.), renforcer la protection des frontières et « intensifier la prévention de la criminalité et les activités de lutte contre le terrorisme ».
Les agences dans le domaine de la sécurité et de la citoyenneté recevront 940 millions d'euros, soit 8,9 % de plus qu'en 2017.
Frontex bénéficie largement de cette hausse et son budget continue d’augmenter puisqu’en 2017, l’agence a obtenu 330 millions d’euros, soit 55 fois plus qu’à sa création, deux ans plus tôt.
Les dépenses de sécurité priment sur l'asile
Le 18 juin 2015, The Migrants Files, une coalition unique, rassemblant des journalistes spécialisés sur les questions de migration, issus de quinze pays européens, publiait une enquête sur le coût humain et financier de quinze années de politique de lutte contre l’immigration en Europe. Sans surprise, les dépenses de sécurité priment largement sur les dépenses liées à l’application du droit d’asile.
L’enquête révèle que, entre 2000 et 2015, l’Union européenne et ses Etats membres ont dépensé :
- 11,3 milliards d’euros pour renvoyer les migrants considérés comme illégaux dans leur pays (soit l’équivalent de 4000 euros par personne expulsée)
- 1,6 milliards pour protéger et surveiller les frontières extérieures
- 74,7 millions en assistance technique aux « dictatures voisines » (Tunisie de Ben Ali, Egypte de Moubarak, etc.) pour empêcher les migrants de rallier l’Europe
- 45,8 millions pour la construction de centres de rétention en Libye et en Ukraine
Certes les chiffres datent un peu mais la tendance ce maintien. Entré en application le 20 mars 2016, l’accord entre l’Union européenne et la Turquie prévoit de verser à Ankara la coquette somme de 3 milliards d’euros pour réduire le flux de réfugiés et migrants en direction de la Grèce et pour accepter ceux qui seraient renvoyés par les autorités grecques.
Le business de la sécurité
La politique migratoire européenne coûte cher mais The Migrants Files pointe également que les entreprises d’armement et de haute technologique sont « les grands gagnants économiques de cette politique de fermeture des frontières ».
Le rapport « Guerre au frontières - Les trafiquants d’armes qui profitent de la crise des réfugiés en Europe », publié en 2016 par le Transnational Institute, enfonce le clou :
- Le marché pour la sécurité des frontières est en plein essor. Le financement global pour les mesures de sécurité aux frontières des États membres est de 4,5 milliards pour la période 2004-2020.
- Les entreprises d’armement Airbus, Finmeccanica, Thales et Safran, ainsi que le géant de la technologie Indra en sont les principaux acteurs. Finmeccanica et Airbus ont en particulier largement bénéficié de contrats européens.
- Finmeccanica considère « le contrôle des frontières et les systèmes de sécurité » comme l’un des principaux moteurs de croissance des commandes et des revenus.
A l’occasion de la parution du rapport annuel « Perspectives des migrations internationales 2015 », Jean-Christophe Dumont, chef de la division des migrations internationales à l'OCDE, considérait que le nombre de réfugiés arrivant sur le sol européen était « gérable » par rapport à la taille de sa population et affirmait : « Les faits sont là : la migration n'a pas d'impact négatif sur le marché du travail, elle ne renforce pas les déficits budgétaires, les immigrés contribuent plus qu'ils ne reçoivent en bénéfices individuels. »
Alors, comment expliquer le maintien d’une politique si coûteuse ?